Le corps capteur de l'existant

Existe ce qui se manifeste à nous. Et nous percevons l’existant par l’intermédiaire de notre corps, lequel nous permet également d’interagir sur cet existant. Les manifestations de l’existant perçues par notre corps sont principalement :

  • la réception de photons lumière par notre rétine,
  • la capture de molécules odorantes par nos papilles olfactives,
  • l’action de forces de pression externes sur notre peau et sur nos tympans,
  • la perception des températures relatives externes par notre peau,
  • l’influence des champs gravitationnels (pesanteur, accélérations,…) sur nos organes,
    et
  • l’ensemble des perceptions sur l’état et les mouvements de tous nos muscles et organes. Ces dernières perceptions nous permettent d’appréhender non seulement notre propre corps comme faisant partie lui-même de l’existant mais également d’appréhender nos interactions avec l’existant environnant (comme lorsque nous saisissons un objet).

Ces perceptions sont converties en impulsions électriques nerveuses à destination des centres de traitement du cerveau. Comment ces impulsions électriques contiennent-elles les informations nécessaires au cerveau pour construire sa représentation de l’existant ? La réponse n’est pas aussi simple qu’il y paraitrait. Et nous nous en approcherons en considérant une machinerie analogue mais plus simple inventée par l’humain, en l’occurrence un scanner tridimensionnel chargé de fournir une représentation numérique en 3D d’un objet quelconque.

Scanner de numérisation 3D
Scanner de numérisation 3D

Plusieurs méthodes existent mais d’une façon générale, il s’agit de balayer toute la surface de l’objet à numériser à l’aide d’un pinceau laser, de prendre ainsi une grande quantité de points de mesure sur l’objet et de situer chacun de ces points dans un repère spatial tridimensionnel en repérant avec précision les positions respectives du pinceau de lumière et de l’objet. On relèvera que cela nécessite un mouvement relatif du scanner autour de l’objet et une corrélation entre les mesures prises et ce mouvement.

Nous retrouvons ce principe du mouvement relatif des capteurs et de la corrélation des perceptions avec ce mouvement, dans le fonctionnement de notre corps, notre intermédiaire perceptif. Mais l’application de ce principe est considérablement démultipliée par le nombre de perceptions simultanées en jeu (lumières, sons, odeurs, toucher, etc.) et le nombre de structures de l’existant à balayer (cette table-ci, ce vase sur la table, ces fleurs et leur odeur, ce chat et son miaulement, ces arbres et leur bruissement, ce rocher).

En même temps que les informations provenant de ses capteurs – yeux, oreilles, nez, peau,… – le corps envoie au cerveau les informations concernant la position de ces capteurs – position des globes oculaires, inclinaison et rotation de la tête, allonge des bras, position générale et mouvement du corps, etc. Et c’est en corrélant puis en intégrant toutes ces informations que notre cerveau, tel un scanner de numérisation 3D, reconstitue une représentation 3D de l’existant.

Homonculus de Wilder Penfield
Homonculus de Wilder Penfield (1930) – L’humain redimensionné en fonction de la surface des aires corticales impliquées par chaque partie du corps.

Lorsque vous observez une sphère tenue entre vos mains, la corrélation de la position en mouvement des mains et des doigts et des sensations de toucher permet la construction d’une représentation de la forme dans l’espace. La convergence des yeux va fournir l’indication de la distance ainsi que celle des variations si caractéristiques de la lumière sur la surface de la sphère. Toutes ces informations et d’autres seront intégrées dans le concept « sphère » et mémorisées. Plus tard, la seule perception du dessin caractéristique de la lumière suffira pour faire surgir l’objet, sa forme et sa distance dans un espace à trois dimensions.

La vue est probablement l’un des sens le plus important pour l’humain. Mais sans le mouvement et les perceptions du corps, notre univers se résumerait à un fond où tout serait confondu.

L'univers plan de Liu Bolin (l'artiste est caché dans l'image)
L’univers plan de Liu Bolin (l’artiste est caché dans l’image)

Il est d’ailleurs une chose dont nous pouvons tous nous rendre compte au quotidien : c’est que lorsque nous rêvons, ou même lorsque étant éveillés nous évoquons dans notre tête le souvenir de scènes vécues, notre expérience sensible n’est alors pas la même que lors des scènes réelles. Et c’est parce que notre corps, dans ces expériences de rêve ou de souvenir, ne participe pas.

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