Les organismes vivants sont des structures autoorganisées qui se maintiennent par diverses boucles de rétroaction assurant leur équilibre biologique interne (leur homéostasie) et les interactions nécessaires avec leur environnement dont elles tirent matière et énergie pour satisfaire à cet équilibre biologique interne. Ces interactions déterminent les comportements des organismes considérés.
La figure suivante décrit un exemple de ce type de régulation déterminant le comportement d’un animalcule concernant la recherche ou non de nourriture et comportant deux boucles de contrôle, l’une pouvant inhiber l’autre.

Lorsque l’état nutritionnel actuel s’écarte d’un état souhaité, la locomotion est initiée, amenant finalement l’animal à un état plus souhaitable.
Notons que l’on peut remplacer sur le schéma l’absence de nourriture par la présence d’une menace et la présence de nourriture par l’absence de menace, et le mouvement est alors un mouvement de fuite devant une menace.
Cet autre exemple met en scène deux types de comportements s’excluant l’un l’autre : l’exploitation locale des ressources lorsqu’elles sont présentes et l’exploration à plus longue distance de l’environnement à leur recherche lorsqu’elles viennent à manquer. La sélection et la mise en oeuvre de ces deux comportements imbriquent plusieurs boucles de perception – action activées par différents neurotransmetteurs : neuropeptide Y (NPY), dopamine (DPA), sérotonine (SHT). L’ANS représente, chez les vertébrés, le thalamus, le BNS représentant les autres parties cérébrales d’ordre supérieur.

(Référence : P. Cisek, P. Resynthesizing behavior through phylogenetic refinement.)
Le neuropeptide Y (NPY), traduisant la faim, déclenche les comportements alimentaires, qu’ils soient d’exploitation ou d’exploration. En présence de nourriture, la génération de dopamine (DPA) sélectionne l’exploitation locale immédiate en inhibant l’exploration. L’épuisement de la ressource et la baisse de dopamine conséquente, libère l’exploration. La satisfaction des besoins nutritifs génère la sérotonine (SHT) (« l’hormone du bonheur ») qui inhibe les comportements précédents.
(Référence : P. Cisek, P. Resynthesizing behavior through phylogenetic refinement.)
Ces exemples simples illustrent les principes généraux qui déterminent nos comportements en termes de perception – contrôle – action et que nous listons ici :
- Nos comportements sont des boucles de régulation de notre homéostasie et ont donc un caractère utilitariste. C’est cet utilitarisme qui est à la base du sens que nous pouvons donner à nos comportements.
- Ces boucles intègrent notre corps-cerveau et notre environnement. Elles définissent une interaction corps-cerveau-environnement. Nous n’avons donc pas un total contrôle de leur fonctionnement : l’environnement y prend sa part.
- Ces boucles de régulation intègrent simultanément les fonctions de perception de l’environnement et de l’état du corps, de contrôle, et d’action sur l’environnement et sur notre corps. On ne peut donc détacher ces différentes fonctionnalités des boucles de régulation dans lesquelles elles opèrent et il y a une étroite interdépendance et corrélation entre elles.
Imaginez un footballeur dribblant au milieu des joueurs adverses. Tous ses sens sont focalisés sur l’action, il ne voit, n’entend rien d’autre qui ne soit concerné. Ses mouvements sont conditionnés par ses perceptions et ses perceptions elles-mêmes sont déterminées par ses mouvements (direction et inclinaison de la tête par exemple), et par les évolutions de l’environnement des joueurs adverses. - Du caractère utilitariste de nos comportements et de l’intégration de nos perceptions dans les boucles de régulation de ces comportements, il vient que nos perceptions ne sont pas des processus passifs indépendants mais sont proactives, orientées, focalisées sur le comportement en cours.
C’est ainsi par exemple que nous ne trouvons, ne voyons réellement, que ce que nous sommes en train de chercher sur le moment. - Nos capacités de perception et d’action sont dimensionnées corrélativement avec les besoins de notre corps et ceux de son environnement.
Ainsi nous ne percevons, ni n’opérons comme une chauve-souris parce que nous n’avons ni le corps ni l’environnement d’une chauve-souris.