Gravité - Ballet de JC Carbonne

Ma Liberté, les Autres, la Loi…

La Loi a pour seul effet de fixer les rapports de forces et rendre les comportements prédictibles. Seule la lutte pour l’égalité permettra d’instaurer pour tous et chacun une Loi protectrice des libertés biologiques essentielles.

Ma Liberté…

La Liberté, cela commence d’abord dans ses tripes par la sensation d’ouverture de son espace. Concrètement, elle se mesure par le pouvoir d’accomplir ses déterminismes biologiques (voir ; La liberté est une dialectique). Son exercice se traduit par la génération d’hormones de la récompense et, de manière plus consciente, par un sentiment d’espace, de plénitude, de puissance et de joie. En être privé, par contre, conduit à la dépression.

Naître gagnant
La Liberté c’est l’espace

…contre celle des autres…

Tous connaissent l’adage « la liberté de chacun s’arrête là où commence celle d’autrui », mais peu pensent à ce qu’il implique : à savoir que la liberté de chacun résulte d’un combat contre celle des autres. La Liberté c’est du pouvoir, le pouvoir de faire, et qui ne peut que rencontrer l’opposition d’autres dans un monde de compétition et d’intérêts divergents (cf. cet autre article : Un monde de compétition).

…ces autres qui me sont pourtant indispensables

Et cependant, comme les loups et autres canidés, les chimpanzés et autres hominidés, les humains ne peuvent survivre qu’en collectivités. Et c’est donc dans cet environnement collectif, à la fois protecteur et concurrentiel, qu’ils doivent construire et défendre leur espace de liberté.

Au service du gène égoïste

Ce sera là une blessure d’amour-propre pour beaucoup, mais la liberté, définie comme le pouvoir d’accomplir ses déterminismes biologiques, est de ce fait au service de la survie et la diffusion de nos gènes, et c’est en cela que son exercice est récompensé physiologiquement, hormonalement. L’article Liberté : quels déterminismes ? traduit prosaïquement le champ d’action de ces déterminismes dans le polyptique [santé, sécurité, sexe, pouvoir, amour] montrant comment ces pulsions entrent en concurrence en chacun de nous en fonction des circonstances.

Cependant l’intérêt du gène est non seulement dans la survie et la reproduction de l’individu lui-même, mais également dans celle du groupe dont cette survie et celle de sa progéniture dépendent. D’où, en chaque individu, une concurrence entre ses pulsions égoïstes (santé, sécurité, sexe, pouvoir), celles dont l’accomplissement procure un sentiment de liberté, et ses pulsions altruistes de solidarité envers son groupe (amour), également pourvoyeuses d’émotions positives mais différentes. C’est là un trait naturel, commun à la plupart des animaux sociaux.

Les mécanismes de la sélection concurrentielle des individus et des espèces inscrivent dans nos gènes des motivateurs souvent contradictoires. Nous nous trouvons là en l’occurrence face à la dialectique bien connue entre liberté et amour.

De l’état de nature…

Ainsi ont fonctionné en petits groupes, nos ancêtres chasseurs-cueilleurs, pendant des centaines de milliers d’années, dans une compétition – collaboration, parfois violente si l’on en croit les archéologues (cf. « La violence dans la préhistoire » par Jean Guilaine).

Une compétition – collaboration dans laquelle les capacités empathiques et de communication de l’humain lui permettent de s’appuyer sur des alliances, étendant ainsi la compétition individuelle à des compétitions inter-groupes. Ces groupes peuvent être durables lorsqu’ils sont unis par des liens affectifs mais ils peuvent également être de circonstance, chaque individu y cherchant son propre intérêt.

…à la contrainte sociale actuelle

A partir du néolithique se constituent des sociétés humaines d’importance, lesquelles imposent leur propres logiques de fonctionnement à celles des individus, pour aboutir à nos immenses sociétés actuelles. La survie du groupe, de la tribu, ou de la société, induit alors d’autres contraintes, non plus biologiques mais sociales celles-là, concernant la collaboration de chacun à l’intérêt général et concernant sa rétribution : interdictions de faire, obligations de faire, ou restrictions de la rétribution.

Et par ailleurs la volonté de puissance des individus, ce déterminisme biologique dont la réalisation procure un sentiment de liberté, est toujours là. Elle va même trouver à s’étendre sur des enjeux de pouvoir symbolique dans la société.

Quant aux alliances entre individus elles vont se structurer en groupes sociaux constitués : partis politiques, syndicats, groupes de pression ou groupes d’influence, etc.

Un combat en champ clos

C’est dans ce contexte social étendu que l’individu doit aujourd’hui exercer sa liberté, en concurrence avec celle des autres et en concurrence avec les logiques sociales.

Au final la liberté de chacun, son niveau de contribution et son niveau de rétribution, vont résulter de l’équilibre toujours contesté et instable entre différents facteurs inégalitaires, dont les capacités, intérêts et besoins individuels, auxquels il faut ajouter le poids du rapport des forces entre individus et entre groupes sociaux.

La Loi, structurante et stabilisatrice…

C’est pourquoi, au sein de chaque société humaine de quelque importance, la Loi fixe les limites de chacun et restreint les libertés de tous afin de, comme pour les Lois de la Physique, établir une prédictibilité des comportements, condition nécessaire pour permettre aux membres de ces sociétés de vivre ensemble et de collaborer sans s’entretuer. La Loi définit ainsi pour chacun :

  • ce qu’il a le droit de faire et qu’on ne peut lui empêcher
  • ce qu’il n’a pas le droit de faire (les interdits)
  • ce à quoi il a droit (sa rétribution)
  • ce qu’il doit faire (ses obligations, sa contribution)
Mêlée de rugby
La Loi fixe les règles du jeu…

… mais la Loi n’est qu’un traité d’armistice

Comment s’établit la Loi ? Elle est le traité d’armistice auquel tous les protagonistes ont intérêt lorsque la guerre devient pire que l’acceptation des pertes pour les vaincus et que le renoncement à d’autres gains pour les vainqueurs.

Cependant le positionnement de ces limites législatives reste le résultat de l’équilibre du rapport des forces et est en constante tension et contestation. La Loi ne défend pas égalitairement la liberté de tous, elle prend acte du rapport des forces et stabilise le mode de fonctionnement de la société.

Le combat se poursuit donc, dans les règles fixées par la Loi lorsque celles-ci le permettent. Mais le combat se poursuivra en dehors des règles si celles-ci sont trop restrictives et que l’enjeu, les risques, ou un nouveau rapport des forces, l’y incitent. Et ici entrent en jeu les libertés civiles : liberté d’expression, liberté de manifestation, participation directe ou représentative à la décision, etc. Elles permettent d’éviter l’explosion.

Manifestation des Gilets Jaunes à Paris
Manifestation des Gilets Jaunes à Paris

L’égalité au service de la liberté

La liberté, capacité d’accomplir ses déterminismes, procuratrice du sentiment de puissance, est un bien individuel, égoïste. Un bien pour lequel les individus s’associent, font alliance. L’objectif commun de cette alliance est alors la liberté pour chacun de ses membres, ou autrement dit l’égalité de liberté. On parlera alors de libertés collectives mais celles-ci n’ont ni le sens, ni la saveur, ni le plaisir biologique de la liberté individuelle.

La fraction dominante de la population voudra maintenir, voire accroitre, sa liberté, c’est à dire son pouvoir, ce qui ne manquera pas de résulter dans un renforcement, voire une augmentation, de l’inégalité des situations. A contrario, la fraction dominée voudra, à minima, accéder à plus de liberté pour chacun en réduisant les inégalités.

Il n’y a pas, contrairement à la vulgate, d’opposition entre liberté et égalité : la lutte collective pour l’égalité sert la liberté individuelle, pourvoyeuse des hormones de la récompense.

Et la morale dans tout ça ? La morale est une construction et un conditionnement social, s’appuyant sur la pulsion biologique de solidarité, et destiné à faire accepter la Loi. C’est ce qu’expose cet autre article : « La Loi de Dieu et celle des humains ».

Note : image d’en-tête : « Gravité » – Ballet de JC Carbonne

3 réflexions sur “Ma Liberté, les Autres, la Loi…

  1. Intéressante approche de la loi nécessaire pour canaliser le besoin de puissance, de pouvoir et la relation aux autres.
    Concernant la liberté et l’égalité je me demande si ce sont deux besoins fondamentaux de l’être humain. Celui-ci ne privilégie t-il pas d’abord ses besoins physiologiques puis son besoin de sécurité et d’appartenance avant ceux de liberté et d’égalité, que recouvrent ceux d’estime de soi et d’accomplissement suivant la pyramide de Maslow.
    Tous les êtres ne se ressemblent pas au delà d’un tronc génétique commun. Certains accepterons d’être dominés en échange de leur confort et sécurité.

    Enfin « la femme » réagit-elle avec les mêmes dispositions mentales que les hommes ? n’a t-elle pas accepté avant la « révolution » féministe la soumission à l’homme chef de famille, de tribu ou de clan. « La femme se cherche un maitre sur lequel elle puisse régner » disait Lacan. On a constaté que les peintures rupestres étaient toutes faites par les hommes. Elles montraient des scènes de chasse mais jamais de scènes de femmes avec des enfants.
    L’univers féminin n’est pas celui de la projection, du symbolique et de la conceptualisation. Il est celui du corps et des sensations liées à celui-ci. « L’homme est raison, la femme substance » disait encore Kierkegaard. Il peut il y avoir des exceptions pour confirmer la règle (femmes refusant leur nature féminine: anorexiques, identification à la masculinité, refus d’être mère etc. ). Elles correspondent aussi aux évolutions sociétales actuelles.
    Tes classifications ne recouvrent que ce que tu projette en qualité d’homme appartenant aux dernières catégories de la pyramide de Maslow sur le monde.
    François

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    1. Sur le premier paragraphe l’article définit bien dès le début la liberté comme « le pouvoir d’accomplir ses déterminismes biologiques ». Et ensuite l’encadré « au service du gène égoïste » précise bien que les domaines d’action de ces déterminismes biologiques sont la santé, la sécurité, le sexe, le pouvoir, l’amour (ce dernier terme renvoyant aux pulsions altruistes de soin à sa progéniture et de solidarité envers sa communauté). Le concept de liberté est donc pris ici dans son acception physiologique, corporelle, de ce dont la réussite procure les hormones de la récompense et non dans le sens des divers concepts idéalistes et romantiques. Quant au besoin d’équité, les expériences des éthologues sur des animaux sociaux montrent bien qu’il s’agit d’un déterminisme biologique avant d’être un concept moral culturel.

      Sur le rôle de la femme, je me garderais bien de construire un avis sur la doxa de notre monde patriarcal. Les paléontologues se sont rendus compte que certaines des mains imprimées sur les parois des grottes étaient plutôt des mains féminines. Mais plus fort, les études d’ADN ont révélé que certains des ossements découverts accompagnés d’armes et que l’on avait attribué à des hommes étaient en fait des ossements féminins (voir https://www.monde-diplomatique.fr/2020/10/PATOU_MATHIS/62340). Donc je reste prudent.

      Les tribus de chimpanzés semblent effectivement conduites par un groupe de mâles dominants associés pour maintenir leur pouvoir. Mais il y a également une ou plusieurs femelles dominantes protectrices (les plus anciennes de la tribu suivies par toutes les autres) qui peuvent apposer leur véto auquel les mâles se soumettront (les mâles violents avec les femelles finissent par avoir toute la tribu sur le dos).
      Chez d’autres espèces c’est différent : les bonobos ont carrément une organisation matriarcale. Cela semble dépendre de si ce sont les jeunes mâles ou les jeunes femelles qui quittent la tribu au moment de leur puberté. Mais je ne suis pas éthologue…

      C’est effectivement l’article écrit par quelqu’un occupant les étages supérieurs de la pyramide de Maslow : ceux des autres étages n’ont pas acquis la capacité de l’écrire (résultat du conditionnement social). Mais ils ont la capacité de lutter pour élargir leurs droits : voir les émeutes des Gilets jaunes. Quand on n’a pas les mots, ne reste que la violence. Si les révolutions sont conduites par des idées, elles sont portées par des émeutes populaires.

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