Il n’y a pas de volonté sans causes, pas de liberté sans déterminisme
Imaginez que vous vouliez donner un maximum de liberté à un sujet. Et que, selon une définition commune de la liberté, vous vouliez qu’il ne soit aucunement contraint par d’autres objets ou forces l’environnant. Vous seriez pour cela obligés de le placer dans le vide de l’espace intersidéral. Mais alors il n’aura rien sur quoi agir, et faire exister sa volonté. Est-on libre lorsque l’on n’a rien à faire ? Libre de quoi ? Il n’aura même rien sur quoi s’appuyer pour tout simplement se mouvoir. Il devra, pour ce faire, se départir d’un peu de lui même, créer un autre corps et le lancer avec une certaine énergie pour qu’en vertu de la loi de conservation de la quantité de mouvement les deux nouveaux corps s’éloignent l’un de l’autre. La liberté n’a pas de sens en l’absence de l’autre. Cet autre qui pourtant la contraint. La liberté est une dialectique.
Mais allons plus loin. Il faut que votre sujet intergalactique veuille se mouvoir et interagir ! D’où pourrait lui venir cette volonté ? Il faudrait que vous l’ayez préalablement programmé, au moins de façon qu’il puisse se construire une motivation comme par exemple de vouloir tourner en orbite autour d’une planète. Il n’y a pas de volonté, pas de motivation, sans un certain déterminisme. Et donc il n’y a pas non plus de liberté sans déterminisme.
Et il faudrait en sus que cette motivation trouve son objet – dans notre exemple une planète pour tourner autour – autrement dit qu’il existe des opportunités pour sa motivation de s’exercer. La liberté ne peut se concevoir que par rapport à cette autre dialectique, déterminisme ⇔ opportunités.
Pour autant, votre sujet devra surmonter les difficultés qui se présenteront, sinon son parcours et sa liberté s’arrêteront là. La liberté suppose la victoire. D’où cette autre dialectique obstacles ⇔ capacités à les surmonter.
La notion de liberté d’un sujet n’a de sens que si :
▪ ce sujet est mû par un déterminisme,
▪ cette motivation a l’opportunité de s’exercer,
▪ cet exercice rencontre des obstacles,
▪ le sujet a la capacité de vaincre ces obstacles.
Le [Système dialectique de la liberté]
Ainsi partant de la formule lapidaire :
la liberté c’est de pouvoir faire ce que l’on veut,
formule dans laquelle :
- pouvoir faire est la résultante des obstacles et des capacités du sujet à vaincre ces obstacles,
- ce que l’on veut est la volonté déterministe du sujet laquelle n’a de sens que s’il existe des opportunités de l’exercer et ne peut se construire que par rapport à ces opportunités,
on peut représenter de façon simple et générale par le schéma suivant ce que nous nommerons par la suite [Système dialectique de la liberté] ou plus succinctement [Liberté] (ces deux expressions étant entre crochets) :

Ce schéma, enrichi des additifs ad-hocs, va constituer la base homogène de nos futures réflexions sur la liberté.
Être libre c’est de pouvoir vivre ce que l’on est
Conclusion précédente : La liberté c’est la capacité d’accomplir ses déterminismes et le concept de liberté d’un sujet n’a donc pas de sens sans l’existence de tels déterminismes.
Voilà une conclusion d’apparence contradictoire. Et pourtant tout, absolument tout dans l’Univers, est mû par ces déterminismes que sont les Lois de la Physique. Mais aussi tout, absolument tout, ne peut faire autrement qu’accomplir ces Lois de la Physique. Ce truisme nous oblige à aller plus loin et à nous interroger sur la nature des déterminismes susceptibles de donner un sens au concept de liberté. Un déterminisme insurpassable – « nécessaire » disent les philosophes – ne peut constituer un objectif de liberté.
Pour sortir de l’impasse nous sommes obligés, au moins momentanément, de nous référer à ce qui nous procure, nous humains, un sentiment de liberté : sentiment de puissance d’avoir surmonté les obstacles, sentiment de plénitude de vivre selon son moi profond, ouverture de ses horizons, gonflement de la poitrine en écartant les bras… toutes choses résultant de l’émission d’ocytocine dans le corps lorsque nous nous laissons aller à vivre selon notre être physiologique. Voilà qui nous fournit une clé : les déterminismes de la liberté doivent être constitutifs du sujet, le définir, constituer son dessein. Ce qui nous amènerait à cette autre formule : « la liberté c’est de pouvoir vivre ce que l’on est ». La concordance de son existence avec son essence.

Mais allons plus loin. Une vache laitière est déterminée par ses gènes qui l’induisent à produire énormément de lait. Peut-on pour autant dire que la liberté d’une vache laitière est d’être mise dans les conditions lui permettant de produire énormément de lait ? La différence, essentielle, entre les déterminismes de la vache laitière et ceux d’un bovidé sauvage réputé libre est que les déterminismes de la première répondent à un dessein, celui des humains qui l’ont fabriquée génétiquement à cet effet, alors que les déterminismes génétiques du second sont issus des hasards de l’évolution des espèces et ne répondent à aucun dessein extérieur.
En conclusion nous ajouterons ce critère à notre modèle [Liberté] :
Les déterminismes du sujet doivent lui être constitutifs, refléter son dessein propre et non un dessein extérieur.
Notons au passage que si l’humain était le résultat d’une « création », et donc d’un dessein extérieur, il ne pourrait prétendre à être libre.
Notons également que cela questionne la liberté de l’humain moderne dont la socialisation reflète les desseins de son environnement social.
Bonjour,
Je l’ai lu et j’adhère complètement à ton exploration du sujet. J’aime bien la modélisation qui permet de bien cerner les articulations des notions et concepts.
Sur l’autre volet: « liberté: quels déterminismes » on retrouve ta préoccupation de réduire l’homme à un pur processus matérialiste et ainsi de jeter aux orties toute prétention à un quelconque dessein d’ordre transcendantal.
Pourtant….
Je ne peux que constater malgré tout, que tu as besoin pour développer ta pensée sur la condition de l’Homme (objet/ sujet), de t’appuyer sur des concepts. Sans ceux-ci tu ne pourrais pas mettre en perspective dialectique sa condition de sujet tendu vers sa libre pensée et autonomie avec sa condition de chose matérielle.
Mais ces concepts sont une production purement humaine détachés des choses matérielles. Ils permettent de comprendre le monde matériel et de porter comme tu le fais un regard réflexif sur nous même. Les mammifères les plus évolués en sont totalement incapables. Il y a donc avec « l’apparition » de l’Homme un saut qualitatif extraordinaire qui étend la question de l’humain à un autre niveau que la pure contingence matérielle. Si c’est bien le corps qui commande le cerveau pour les questions liées aux besoins matériels et sociaux, le cerveau a (acquis ?) cette capacité à produire une métaphysique complètement débarrassée de ces contingences.
C’est peut-être ce que l’on a appelle dans toutes les civilisations « l’âme ».
On peut y voir l’œuvre d’une divinité ou celle du « hasard » suivant la sensibilité de chacun, mais nous sommes de fait devant une réalité (phénoménologique) qui dépasse (pour le moment encore) l’entendement du scientifique.
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