Je vais me mouiller en tentant de répondre sérieusement à une question à laquelle on pourrait trop facilement répondre par une pirouette…
Les humains, croyons nous savoir en ce début du XXIe siècle après les travaux en sciences cognitives et en psychologie, raisonnent et construisent leur savoir par analogie et catégorisation à partir de leurs observations, expériences et échanges :
- Rangement d’éléments présentant des similarités dans une même boîte catégorielle (abduction). Exemple : la catégorie “riches”
- Généralisation à toute la boîte des caractéristiques particulières de certains de ses éléments (induction). Exemple : “les riches que je connais votent à droite, donc les riches votent à droite”
- Instanciation de ces caractéristiques générales à chaque élément de la boîte (déduction). Exemple : “Dumachin est riche donc il vote à droite”
- Contre-vérification de la validité de cette instanciation. Exemple : “Oups ! Trucchose est riche mais il ne vote pas à droite”
- Corrections : modification ou abandon de la catégorie, création de nouvelles catégories, tri et élimination de certains éléments, restriction des caractéristiques applicables, etc.
C’est ainsi que nous fonctionnons, et c’est ainsi que fonctionne la science : toute connaissance n’est que provisoire jusqu’à ce qu’une nouvelle observation ne vienne infirmer nos spéculations et ne nous oblige à changer de paradigme.
Ce fonctionnement est pratique, relativement performant ; il permet notamment à l’humain de se débrouiller dans des situations inconnues par analogie (même infime) avec des situations vécues (Exemple : dans un ascenseur inconnu vous “saurez” cependant comment procéder pour monter à l’étage). C’est ainsi que s’exerce également notre créativité, et que se font les découvertes scientifiques, par les analogies les plus improbables. Ce fonctionnement n’en reste pas moins spéculatif et sujet à de nombreux biais. D’abord parce que la Nature, la Société, etc. ne se laissent pas enfermer dans des catégories. Celles-ci ne sont que des approximations sémantiques, une essentialisation (qu’est-ce qu’un riche ? est-ce qu’une personne va toujours voter dans le même sens ?…). Ensuite parce que nous ne construisons pas sur du vide et que les expériences et croyances antérieures viennent influencer nos observations. Mais nous ne pouvons pas faire autrement : nous ne voyons, nous n’enregistrons que ce qui a du sens pour nous. Et c’est pourquoi, comme l’ont montré les études du neuroscientifique Antonio Damasio, les émotions ont une importance capitale dans la construction de nos connaissances et de notre raisonnement (“L’erreur de Descartes – La raison des émotions” Antonio Damasio – 1994).
(“Nous ne voyons pas le monde tel qu’il est mais tel que nous sommes” – Kant)
Et donc, pourquoi savons nous que nous ne savons pas ?
– Par analogie !!!
Plus nous en apprenons, plus nous avons été amenés à modifier, voire rejeter d’anciennes croyances /connaissances. Et donc plus nous sommes amenés à être circonspects sur des croyances /connaissances du moment qui, de la même façon risquent d’être reniées plus tard.
Et pourquoi croyons nous parfois savoir alors que nous ne savons pas ?
– Par analogie !!!
Une situation présente nous évoque toujours quelque situation passée…
Les imbéciles, les ignorants, eux, ne savent pas qu’ils ne savent pas…
Les essentialistes, les idéologues,… ne veulent pas savoir…
Et une petite suggestion de lecture pour les plus curieux : “L’analogie cœur de la pensée” par Douglas Hofstadter et Emmanuel Sander – Ed. Odile Jacob – 2013
Illustration : “The evergreen” – Installation de Arno Fabre – 2009 – Production C15D – Affrontement Néandertal – Cro-Magnon sur la mythique partie d’échecs jamais résolue “The Evergreen”.